Nous n’avions jamais envisagé de publier chez Sonatine Éditions de roman graphique. Jusqu’au jour où, intrigués par une rumeur grandissante venue d’outre-Atlantique, nous nous sommes procuré L’Accident de chasse. L’enthousiasme de la maison a été tel devant la puissance de ce livre, correspondant, qui plus est, à notre ADN, que nous n’avons pas hésité une seule seconde avant d’en acquérir les droits.
Il y a tellement de choses à dire sur ce livre qu’on ne sait vraiment pas par où commencer. On a envie de vous parler de la beauté de l’objet, des formidables dessins de Landis Blair et du travail de collaboration exceptionnel entre les auteurs. Mais le mieux, c’est peut-être qu’on vous donne une première idée de l’histoire si dense qui se déploie sur presque 500 pages.


- Arnaud Hofmarcher, directeur éditorial de Sonatine Éditions



Une histoire vraie

L’histoire de Matt Rizzo et de son fils Charlie est d’autant plus extraordinaire qu’elle est vraie. L’auteur, David L. Carlson, l’a entendue de la bouche même de Charlie, son ami, qui lui a confié les écrits et les enregistrements audio de son père. L’énorme travail de documentation qu’a demandé l’écriture du récit, mêlé à la volonté poignante de redonner voix à Matt Rizzo à travers les mots de son fils, est une des premières raisons qui font de L’Accident de chasse une œuvre inoubliable.

Paternité et filiation

Lorsque la mère de Charlie décède d’une maladie, il est envoyé vivre chez son père aveugle, qu’il connaît à peine. Se noue alors entre eux une relation d’abord très fusionnelle, puis de plus en plus conflictuelle à l’adolescence. Personne n’a appris à Matt comment être père. Dès lors, comment inculquer des valeurs à son enfant en respectant sa personnalité ? Comment être un modèle lorsqu’on a soi-même du mal à trouver du sens à son parcours chaotique ? Ces questions, qui trouvent une résonance en chacun d’entre nous, traversent le texte avec autant de puissance que de justesse.

Chicago et la mafia

L’Accident de chasse a pour toile de fond le Chicago des années 1940 puis 1960. Sous le sublime trait de Landis Blair, la ville devient le terrain de chasse en noir et blanc de la mafia italienne, un microcosme fait de violence et de débrouille, régi par l’omerta, la loi du silence. Entre amitié et sentiment de communauté, il est si facile de basculer. Confronté à la pression des gangs de rue, Charlie fera-t-il les mêmes choix que son père ? Celui-ci a-t-il d’autre alternative pour sauver son fils que de briser le silence ?

La cécité

Jeune homme ayant fui l’autorité paternelle pour vivre une vie de vagabond, rattrapé ensuite par Chicago et la mafia locale, Matt a participé à un braquage qui a mal tourné et l’a rendu aveugle. Incarcéré pour son crime, il doit apprendre à vivre littéralement dans les ténèbres. Le thème de la cécité inspire à Landis Blair des planches parmi les plus belles de L’Accident de chasse. Mis au défi de représenter l’irreprésentable, l’illustrateur retranscrit l’expérience de l’aveuglement avec un sens inégalé de la poésie et de l’image mentale.

Loeb et Leopold

Un crime monstrueux hante ces pages et en est même le cœur. Aidé de son complice Richard Loeb, Nathan Leopold s’est rendu coupable du « crime du siècle », un meurtre atroce qui défraya la chronique, inspirant à Hitchcock le scénario de La Corde et à Meyer Levin le roman culte Crime. Brillants et arrogants, Loeb et Leopold ont mis l’esthétique et les idées avant l’humanité en accomplissant un crime purement gratuit et qu’ils voulaient parfait. C’est pourtant Leopold, compagnon de cellule de Matt, qui va tendre la main à ce dernier, le guider dans l’univers carcéral et lui apprendre à apprivoiser sa cécité soudaine.

L’Enfer de Dante

La rédemption de Matt est indissociable de la littérature et de sa découverte, grâce à Leopold, de L’Enfer de Dante. La puissance de cette œuvre lui permet de transcender sa condition de prisonnier tout en trouvant la consolation nécessaire pour supporter son quotidien. L’Enfer devient alors à la fois une métaphore, un cheminement et une clé de lecture de la vie en prison et dans les ténèbres de la cécité… et l’occasion pour Landis Blair de donner libre cours à sa créativité avec un sens du détail digne de Jérôme Bosch.








David L. Carlson
David L. Carlson

L’auteur américain David L. Carlson a été réalisateur et musicien. Il est également le co-fondateur d’ « Opera-Matic », une compagnie d’opéra de rue à but non lucratif, basée à Chicago. L'Accident de chasse est son premier roman graphique, réalisé en collaboration avec l’illustrateur Landis Blair.

David L. Carlson est à l'origine du projet. Matt Rizzo, un ami proche, lui racontait l'histoire de son père. Inspiré par cette vie incroyable, l'auteur a d'abord voulu en faire un projet transmédia en l'adaptant au théâtre, en musique et au cinéma. Mais après plusieurs complications, et suite à sa rencontre avec Landis Blair, il a travaillé sur une adaptation en roman graphique. En étroite collaboration avec l'illustrateur, et s'est - entre autres - occupé de la scénarisation, du texte, de la construction du projet.

Landis Blair
Landis Blair

Landis Blair est un illustrateur américain, dont les dessins hachurés et les histoires morbides sont influencés par l’œuvre d’Edward Gorey. Il a notamment collaboré avec l’écrivain David L. Carlson sur le roman graphique L'Accident de chasse, un travail que le New York Times qualifie d’ « ardeur graphomaniaque ». Il est aussi l’illustrateur du second livre de Caitlin Doughty, From Here to Eternity, qui figurait parmi les bestsellers du New York Times. Par ailleurs, il illustre ses propres textes, comme The Envious Siblings publié en octobre 2019. L’artiste est un membre actif de The Order of the Good Death, une organisation qui prône l’acceptance de la mort, à laquelle il s’agit de redonner un caractère positif. Landis Blair vit à Chicago.

Le travail d'illustration de L'Accident de chasse a pris près de 4 ans à Landis Blair. Il a beaucoup travaillé sur la perception du monde par les aveugles, et la représentation par l'imagination. L'encrage d'une planche lui prenait une journée entière. Il a passé près de 3 600 heures à illustrer l'ouvrage entier.